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Chroniques chaotiques de New Berlin, Fragment #06

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Premier fragment : Chroniques chaotiques de New Berlin, Fragment #01
Second fragment : Chroniques chaotiques de New Berlin, Fragment #02
Troisième fragment : Chroniques chaotiques de New Berlin, Fragment #03
Quatrième fragment : Chroniques chaotiques de New Berlin, Fragment #04
Cinquième fragment : Chroniques chaotiques de New Berlin, Fragment #05

Felisha se souvient des deux derniers jours comme si c’était la veille.
Le premier jour, elle avait rêvé de Heikki dans la nuit, aux aurores. Elle ne se souvient plus du rêve. Mais elle se souvient qu’elle s’était réveillée à six heures trente passé, qu’il commençait tout juste à faire jour dehors. Elle se souvient s’être réveillée très troublée, et s’était instantanément mise à pleurer pendant de longues minutes.
Il lui avait fallu beaucoup de temps pour se calmer, et encore plus de temps pour se rendormir.

Felisha savait. Elle le pressentait. Au cours de sa vie, elle avait rencontré de nombreuses personnes, interagi avec de nombreux noms ou pseudonymes. Avait ressenti de l’empathie, de l’affection, parfois même plus que ça. Mais elle n’avait jamais eu une telle connexion que celle qu’elle avait avec Heikki.
Felisha pouvait prédire les choses avec Heikki. Elle savait instantanément en le voyant, parfois même à distance, dans quel état psychique était son amant électronique. Felisha savait lorsqu’Heikki était anxieux, ou heureux.

L’avant dernier jour, ils étaient avec le collectif. Collectif qu’ils venaient tout juste de lancer, pour les libertés des androïdes, pour la reconnaissance des androïdes au même titre que les êtres organiques. Parfois, les androïdes et les organiques étaient tous ensemble. Parfois, ils étaient séparés. Parfois, les électroniques ne pouvaient pas réfléchir aux mêmes questions que les organiques. Parfois, les organiques ne pouvaient pas réfléchir aux mêmes problématiques que les électroniques.
Cet après-midi, Felisha et Heikki s’étaient rejoints, mais ils avaient décidé de faire bande à part. Peut-être qu’Heikki savait, lui aussi. Peut-être qu’Heikki pressentait, lui aussi.
Ils n’avaient jamais pris le temps de discuter des intuitions de Felisha.
Cet après-midi, ils ne voulaient personne autour d’eux. Ils voulaient juste être ensemble, tous les deux, coupés du monde. À eux deux, ils se suffisaient. Ils n’avaient ni besoin ni envie d’autres personnes, électroniques comme organiques.
Felisha avait passé l’après-midi entier à épier Heikki. Elle fait ça souvent. Profitant de l’absorption de l’androïde dans une tâche pour le regarder à la dérobée. Felisha avait besoin de voir Heikki. Pour se rassurer, pour se rappeler qu’il était là, qu’il était encore là pour l’instant.
Le collectif s’était séparé en fin d’après-midi. Les électroniques étaient restés là, les organiques repartis à New Berlin.

New Berlin commençait tout juste à se dépeupler à ce moment là. Ce n’était plus un endroit d’ouverture. C’était un endroit de résistance.

Felisha était rentrée à New Berlin seule, à la tombé de la nuit. Et elle avait pleuré tout le long du chemin, silencieusement, s’efforçant de ne pas faire le moindre bruit. Elle se sentait terriblement seule. Quand Heikki n’était pas dans le même périmètre, elle se sentait seule. Seule parce qu’elle l’était, seule parce qu’elle avait choisi de l’être.

Felisha se souvient de la manière dont Heikki entrouvrait légèrement la bouche lorsqu’il réfléchissait.
Felisha se souvient de la manière dont Heikki cachait son visage dans ses mains lorsqu’il était très fatigué.
Felisha se souvient de la manière dont Heikki se repliait sur lui-même lorsqu’il riait.
Felisha se souvient de tous les rires de Heikki. Felisha se souvient de toutes les mimiques de Heikki.

Chagrin d’amour. Elle détestait cette combinaison de mots, qu’elle trouvait idiote, mièvre, doucereuse. Et totalement déconnectée de la réalité. Totalement déconnectée de la douleur.
Felisha avait envie de disparaître. De cesser d’exister. Le temps s’étirait à l’infini, interminable. Elle n’avait plus envie de rien. Elle avait baissé les bras.
Et ce chagrin, elle l’avait vu arriver progressivement. Pendant plusieurs jours, peut-être même plusieurs semaines.
Felisha avait cessé d’exister pendant longtemps, ne devenant plus que l’ombre d’elle-même. Felisha ne savait plus exister sans Heikki.
Il lui fallait réapprendre à être elle-même. Il lui fallait tout réapprendre, tout reconstruire.

Felisha cherchait Heikki partout. Dans le moindre bit. Le moindre octet. Elle avait dû passer par des protocoles, des techniques très compliquées, avancées pour accéder à des bouts d’archives de cet Internet qui était en train de disparaître. Des bouts d’archives pour retrouver Heikki quelque part à l’intérieur du réseau. Des bouts d’archives, sa propre archive, leurs propres archives.
Requiem. Heikki avait prononcé ce mot un jour. Et Felisha était surprise qu’Heikki connaisse ce mot. Maintenant, Felisha repensait à ce mot. Requiem numérique. Voilà ce qu’étaient ces bouts d’archives en ligne, accessibles par des protocoles et techniques très compliqués, très avancés.

Certains jours, Felisha n’avait même plus envie de pleurer. Elle refusait, bloquait, rejetait toute émotion, se contentait de n’être que là, entièrement vide.
Certains jours, elle ne voulait même plus se souvenir. Elle ne voulait plus rien ressentir. Elle se contentait de n’être que là, entièrement creuse.

Le pire était de ne pas savoir. Qu’est-ce qui allait se passer ? Est-ce qu’Heikki finirait par se réveiller un jour ? Allait-il être le même ? La technologie allait-elle prendre le pas sur le reste ? Heikki serait-il le même qu’avant ou serait-il remis à zéro ?

Felisha se souvient du cendrier. Du jour où Heikki s’est éteint.
La veille, le cendrier était plein à craquer. La veille, Heikki était allumé.
Le lendemain, il a fallu vider le cendrier. Le cendrier était plein à craquer, et Heikki était éteint. Le cendrier était plein à craquer la veille, et Heikki était encore allumée la veille.
C’est un des derniers objets avec lequel elle avait interagi lorsqu’Heikki était encore en vie.
Le cendrier n’était pas au même endroit que d’habitude, parce que ce jour là elle avait décidé de fumer la fenêtre ouverte.
Et maintenant, il fallait vider le cendrier.

Felisha a mis plusieurs semaines avant de pouvoir vider ce cendrier. Le jour où elle l’a vidé, c’était de rage, de colère, de frustration.
Elle avait regardé les cigarettes dégringoler dans la poubelle. Toutes ces cigarettes fumées lorsqu’Heikki était encore en vie.

Le pire était de ne pas savoir. Lorsqu’Heikki était loin, Felisha se demandait en permanence s’il était encore allumé, s’il était encore en vie. Elle se connectait régulièrement, si ce n’est en permanence, au module lui permettant de consulter les statistiques du robot. Tout ce qu’elle voulait voir, c’était le petit point vert. Le petit point vert signifiait qu’Heikki était allumé.

Certains soirs, Felisha n’avait même plus envie de dormir. Le sommeil la terrorisait. Elle ne voulait plus dormir, parce qu’elle n’en avait même plus le courage. Alors elle veillait, tard, les yeux vissés à son ordinateur, consommant de la donnée au lieu d’en produire. Elle se contentait de fixer l’écran lumineux de son ordinateur, égarée dans la donnée, égarée dans les informations qui défilaient sous ses yeux.
Felisha consommait de la donnée pour de ne pas avoir à en produire. Felisha s’égarait dans les données pour ne pas avoir à les analyser, pour ne pas avoir à réfléchir.

Abrutie. Atone. Inerte.


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